Yann Brunel, romancier singulier
Sourcils broussailleux, gueule de boxeur, prof de maths de son état (dans un grand lycée parisien), Yann Brunel est peu visible sur la toile. Pas de fiche Wikipédia mais une longue interview à l’occasion de la sortie de son premier roman en 2022, Homéomorphe. On y découvre un être profondément imprégné de sa mission de littérateur subtil, il semble comme un poisson dans l’eau avec les concepts les plus théoriques, à la frontière entre la philosophie et les mathématiques. Brunel revendique une langue romanesque qui puiserait sa sève dans la poésie. On trouve tout cela et plus encore dans Quatre ou cinq vies d’Illya Grisov, son second roman sorti en 2024. Dans la campagne ukrainienne, ses personnages errent dans les dédales d’une cité ravagée par un terrible accident industriel. Point de place pour la pitié, les liens familiaux sont rudes. Quand elles ne les font pas exploser, la haine colle les destins les uns aux autres. C’est haletant et déconcertant à la fois. Les allégories hallucinatoires éloignent le lecteur du sens commun. Confortablement installé sur le canapé de mon salon parisien, engloutissant page à page les péripéties du roman, je n’ai pu m’empêcher de me sentir épié par un Yann Brunel dissimulé derrière un paravent grimaçant de son bon coup. Gallimard peut être remercié d’avoir su dénicher un auteur exceptionnel.
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