La fille du grand hiver, inspirante exploratrice

Tanguy Piole
8 juin
2 min de lecture

Dans L’expérience des fantômes, Fabrice Humbert avait conté l’émoi suscité par le sort de l’explorateur Sir John Franklin et de ses cent-vingt-huit hommes et zéro femme d’équipage. Disparus dans les glaces du Passage du Nord-Ouest, le HMS Terror et le HMS Eribus n’ont été retrouvés que cent-vingt-neuf ans plus tard[1]. La fille du grand hiver, roman haletant d’Isabelle Autissier, se situe soixante-dix ans après dans la même région. Arnarulunguaq, la fille du grand hiver, a vraiment existé. À sept ans, elle a failli être sacrifiée par sa mère résolue à nourrir du corps de son enfant le reste de la famille affamée, son frère l’a sauvée in extremis. Avec son cousin Mitiq, elle a accompagné l’explorateur Knud Rasmussen dans son expédition de trois années à pied et en traineau sur le littoral du passage du Nord-Ouest. Rares sont les écrits sur ce périple, il a fallu inventer, et cela, Isabelle Autissier sait faire. Navigatrice devenue écrivaine, elle a eu, elle aussi, son lot d’exploits sur les océans et dans le Grand-Nord. Dans Passer par le Nord, la nouvelle route maritime, elle avait mis en scène ses pérégrinations avec Erik Orsenna à travers l’autre Passage, celui du Nord-Est. La fille du grand hiver, c’est un peu elle aussi. À petites touches très documentées, elle nous fait vivre le quotidien inuit, les rires et les larmes et, jour après jour, l’impérieuse nécessité de la chasse et de la pêche pour échapper au sort de Franklin et de ses hommes. Le livre d’Isabelle Autissier raconte les vertus de l’action permanente, pour survivre à trois longs hivers nocturnes. Contrairement à leur lointains prédécesseurs, ses trois héros ont réussi ! Arnarulungguaq est porteuse d’un message qui la dépasse : « Même ténue, la trace d’Arnarulunguaq ne doit pas être oubliée. Elle est encore inspirante. » Étrangère au misérabilisme, écrivant sans tabou d’une plume toujours plus affirmée, Isabelle Autissier est au sommet de son art.