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Ma rencontre ratée avec Pierre Michon



Dans une langue pointilliste, colorée et odorante, Pierre Michon dresse le portrait de ses aïeux, et nous offre chaque fois le plaisir d’une rencontre et la jouissance de la « belle langue ». Cet article du Monde est paru il y a plus de quarante ans, au moment de la sortie de Vies minuscules. Récemment, Pierre Michon ose émettre l’hypothèse qu’il est le dernier écrivain du dix-neuvième siècle, avant de se reprendre en concédant qu’il peut en exister un ou deux autres dont il ne révélera pas le nom. Moi qui aime la belle langue, qui prise ou prisait (et peut-être ai désappris) l’emploi de l’imparfait du subjonctif, j’aurais pu tomber en extase en lisant Vies minuscules. C’est l’inverse qui s’est produit, j’ai froncé les sourcils, progressé avec une lenteur d’escargot, essayé de m’accrocher, renoncé. Lui-même se confie à Augustin Trapenard, l’année dernière :

-       Si c’était à refaire, Pierre Michon, qu’est-ce que vous referiez et qu’est-ce que vous ne referiez pas ?

-       Je serais riche (il rigole). Première chose. Et ce que je referais ? Je referais de la littérature certainement puisque je suis incapable de faire autre chose, mais beaucoup moins prise de tête et beaucoup moins littéraire. Je ne comprends pas tout, je vois les articles de journaux : ils parlent de grand style, de métaphores etc. Oui, bon, c’est ainsi que j’écris.

-       Justement, qu’est-ce que ça vous a apporté l’écriture dans la vie, Pierre ?

-       D’avoir une vie. Je n’aurais pas pu faire autre chose. Je ne voulais pas travailler. Ça m’a apporté un petit peu de bonheur. Ça m’a évité de vieillir, certainement.

Admiratif et respectueux, j’arrête cependant ma lecture à la page quarante, non sans saluer l’honnêteté et le courage du vieil homme se retournant sur son passé d’écrivain. J’aurai donc vécu pendant quelques heures une rencontre littéraire du niveau de celle que j’avais eue avec Julien Gracq il y a quarante ans. Mais, contrairement à ce qui s’était alors passé (j’avais dévoré toute l’œuvre de Gracq), je ne ferai pas l’effort de m’imprégner du génie de Pierre Michon : trop prise de tête, et ce n’est pas moi qui le dit.

 

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