Houris : les errances de l’Académie Goncourt
Dans Le Point, pas moins de treize pages sur le Prix Goncourt 2024 de Kamel Daoud pour son roman Houris. Alors même que l’homme y écrit chaque semaine un édito…
Mes parents m’ont conçu le 19 juillet 1962, deux semaines après l’indépendance de l’Algérie. Je les imagine relâcher la pression juste après la fin de la guerre, ses 250 000 Algériens et 26 000 militaires français disparus. Mon père qui combattait dans les Aurès en avait réchappé. Au milieu des années 2000, j’ai eu un coup de cœur pour ce pays sans cafés et sans jeux de plage dans lequel le désastre était tu. Donc oui, il était temps de rompre l’omerta : les 200 000 morts de la décennie noire (1992-2002), cette deuxième guerre d’Algérie, méritaient un livre. Avec Houris, Kamel Daoud se met hors la loi : depuis la loi d'amnistie de 2005 assurant l’impunité aux responsables des atrocités, tout débat sur le conflit est passible de poursuites. Donc chapeau l’artiste !
Pourtant, pas de quoi s’extasier. Oui, le roman est allégorique et poétique, donc parfois émouvant. Mais, comme le notent les critiques du Masque et La Plume, avec son postulat « un peu scolaire », « ses phrases inutilement chantournées et surchargées », « sa temporalité brouillée », Daoud perd délibérément le lecteur. Et pourquoi tant de redites ? La répétition comme mode d’accouchement de la douleur ? Comme chez le psy ? Je n’y ai vu que maladresse.
Alors ? Comme il y a deux ans je m’étonne - euphémisme - du choix de l’Académie Goncourt. Et je répète ce que j’avais écrit en 2022 dans un billet de mauvaise humeur à propos de Vivre vite de Brigitte Giraud : en comparaison des remarquables Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu en 2019, Chanson douce de Leïla Slimani en 2016, Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre en 2013, La Carte et le Territoire de Michel Houellebecq en 2010, Trois Femmes puissantes de Marie Ndiaye en 2009 et surtout les incroyables Bienveillantes de Jonathan Littell en 2006, les livraisons 2022 et 2024 du Prix Goncourt sont bien pauvres.
Gallimard a emporté la mise à la suite de son éviction du Salon du livre d’Alger ? Cela ne justifiait pas son Goncourt.
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